Il y a encore 20 ans, la durée d’hospitalisation pour une arthroplastie totale du genou ou de la hanche avoisinait les 15 jours. Aujourd’hui, la durée de séjour à l’hôpital s’est considérablement réduite. Dans certains cas, le patient peut retourner à son domicile le jour même de l’opération. Cette évolution majeure s’inscrit bien évidemment au cœur du programme initié par le gouvernement en faveur de la chirurgie ambulatoire. Un souhait rappelé récemment par la ministre de la santé Agnès Buzyn, qui a fixé comme objectif en 2022 : « sept patients sur dix qui entrent à l’hôpital le matin en sortent le soir, contre cinq aujourd’hui ».
Prothèse du genou et de la hanche. Des progrès considérables
L’augmentation des opérations prothétiques de hanche ou de genou et la qualité de récupération des patients s’expliquent par les progrès dans la prise en charge de la douleur et par une meilleure préparation permettant d’anticiper et de prévenir les complications postopératoires. Les indications du remplacement de hanche et de genou ont aussi été élargies à des patients plus jeunes en raison de la rapidité de récupération et de l’amélioration de la longévité des prothèses. En effet l’utilisation de matériaux plus performants au niveau du couple de frottement tels que la céramique, permet de minimiser les phénomènes d’usure à long terme.
Chirurgie ambulatoire. Un enjeu de santé publique
Qu’est-ce que la chirurgie ambulatoire ? Elle correspond à la prise en charge d’un patient en moins de 24 heures sans hospitalisation de nuit. Dans un premier temps, utilisée pour des opérations de type cataracte ou extraction dentaire, ses indications s’élargissent depuis quelques années à des actes plus lourds et hémorragiques comme les remplacements prothétiques du genou ou de la hanche. Ses avantages potentiels sont nombreux : exposition raccourcie au risque d’infection manuportée de germes hospitaliers sélectionnés et résistants, meilleure prévention des complications thrombo-emboliques par le lever précoce, accélération de la récupération et bien sûr réduction des coûts.
E-médical. Une application pour tous !
Le raccourcissement des durées d’hospitalisation est facilité par la généralisation des moyens de communications informatiques. Des applications disponibles sur téléphone mobile permettent l’auto-évaluation de sa récupération par le patient lui-même, à l’aide de quelques questions précises : fièvre, marche, douleur, saignement du pansement ou encore présence de vertige. Ces informations sont immédiatement disponibles pour le chirurgien et lui permettent de suivre en temps réel l’état de santé du patient. Chaque matin, ce bilan peut être effectué et consulté par le chirurgien : un outil essentiel et rassurant.
Chirurgie ambulatoire. Les conditions
Bien entendu, l’autorisation de sortie est soumise à un certain nombre de conditions :
- absence de fièvre, cicatrice sèche, autonomie de marche entre 2 cannes béquilles, douleur contrôlée.
Le patient, qui doit auparavant avoir été informé et avoir pleinement adhéré au programme proposé :
- doit être accompagné d’une tierce personne qui restera avec lui et l’aidera pour les tâches de la vie quotidienne plusieurs jours après l’opération.son domicile doit être accessible (ascenseur ou de plain-pied).il doit bénéficier de quelques séances de kinésithérapie à domicile.
Ce protocole n’est applicable qu’aux patients sans pathologie associée majeure ou de traitement anticoagulant antérieur difficile à équilibrer.
Interview.Professeur Philippe Massin. Chirurgien orthopédiste à la clinique Hartmann.
La technique chirurgicale est-elle la même ?
La technique et la durée de l’opération sont pratiquement les mêmes. Il faut prendre beaucoup de temps avant l’opération pour expliquer le protocole et quelques difficultés inévitables. Plusieurs consultations sont nécessaires, dont une idéalement avec une infirmière. Le retour à domicile se prépare, en prévenant les professionnels impliqués dans la prise en charge postopératoire (aide à domicile, infirmière libérale, kinésithérapeute), pour qu’ils soient disponibles dès le retour à domicile. Les techniques d’anesthésie (bloc nerveux par infiltration d’un nerf sensitif, anesthésie multimodale ou infiltration d’anesthésiques locaux dans la cicatrice à la fin de l’opération, recours préférentiel aux anti-inflammatoires plutôt qu’aux dérivés morphiniques) ont considérablement atténué la phase douloureuse initiale. Mais leur effet dans le temps est limité et il faudra s’assurer d’un relais adapté par les comprimés antalgiques habituels.
Il faut prévenir les complications post-opératoires au premier rang desquelles se situent l’infection et les risques thromboemboliques et hémorragiques. Il faut prendre le temps de corriger les états anémiques avant l’opération, mais aussi dépister les foyers infectieux potentiels. Une bonne hygiène bucco-dentaire est essentielle.
Est-ce que le retour précoce à domicile présente des risques ?
Jusqu’à maintenant, il n’est pas apparu que ce mode de prise en charge génère des complications supplémentaires, lorsque les conditions sont remplies. Bien entendu l’établissement doit être prêt à accueillir le patient en cas de complication. À ce jour, l’expérience a montré que le taux de réhospitalisation était faible. L’élargissement des indications à d’autres catégories de patients dépendants et fragiles nécessite la mise en place de dispositifs adaptés comme les hôtels de santé médicalisés (sans présence médicale permanente), tels qu’ils existent déjà dans d’autres pays. Leur but est d’assurer l’étape intermédiaire avant le retour à domicile lorsque celui-ci n’est pas possible d’emblée.