L’antibiorésistance. Un enjeu sanitaire.

Les antibiotiques ont augmenté de plus de dix ans l’espérance de vie de ceux qui y ont accès, soit plus qu'aucun autre traitement. Mais un demi-siècle après leur découverte, leur usage abusif est à l’origine de l’antibiorésistance - résistance aux antibiotiques - qui est considérée par l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) comme l'une des menaces les plus problématiques dans le domaine de la santé publique.

L’antibiorésistance correspond au fait qu’un traitement antibiotique ne devient plus efficace sur une infection bactérienne. Elle est corrélée à l’utilisation des antibiotiques qui génère, au fil du temps, une augmentation des résistances bactériennes menaçant à terme l’efficacité de ces traitements. C’est un enjeu sanitaire majeur : dans le monde, quelque 700 000 personnes meurent tous les ans à cause de la résistance aux divers traitements antimicrobiens existants. Il existe principalement deux stratégies de lutte contre ce phénomène : prévenir les infections et limiter la transmission des bactéries et des gènes de résistance ; et utiliser les anti­biotiques à bon escient. Pour rappel, les antibiotiques ne sont efficaces que sur les infections bactériennes, mais ils sont encore trop souvent prescrits pour des infections virales comme la grippe. En France, la consommation d’antibiotiques a baissé de 15 % entre 2009 et 2019. Des résultats encourageants à l’échelle d’un pays qui est le 4e plus gros consommateur d’Europe, malgré des campagnes régulières de sensibilisation. La formule « les antibiotiques, ce n’est pas automatique » a déjà presque 20 ans ! Selon un rapport publié en novembre par l’agence Santé publique France, « en 2018, il a été vendu en France 728 tonnes d’antibiotiques destinés à la santé humaine ».

Quid des antibiotiques ?

Un antibiotique (du grec anti : « contre », et bios : « la vie ») est une substance antibactérienne. Il existe plus de 10 000 molécules antibiotiques connues, la plupart d’entre elles sont des produits naturels, synthétisés par des procaryotes, des champignons, des végétaux supérieurs, des animaux ou des lichens. L’introduction généralisée des antibiotiques, après la Seconde Guerre mondiale, a été l’un des progrès thérapeutiques les plus importants du siècle dernier. Le mécanisme antibiotique a été découvert par Alexander Fleming en 1928 : sa culture de bactéries avait été bloquée par la contamination d’un champignon, la pénicilline.

Interview de Philippe Glaser. Responsable de l’unité Écologie et évolution de la résistance aux antibiotiques à l’Institut Pasteur.

A quoi la résistance aux antibiotiques est-elle due ?
Les bactéries ont la capacité d’acquérir des gènes les rendant résistantes aux antibiotiques à partir d’autres bactéries résistantes qui possèdent ces gènes. Ainsi, une personne peut être porteuse de bactéries résistantes, sans problème de santé ou symptômes apparents. Son microbiote intestinal peut contenir une souche bactérienne résistante. Il suffit alors qu’une bactérie pathogène infecte cette personne pour que la souche résistante transfère à la bactérie pathogène ses gènes de résistance. Ce phénomène peut être rapide et même favorisé par les antibiotiques.
Que peut-on faire pour lutter contre l’antibiorésistance ?
Les bactéries résistantes émergent dans différents endroits du monde et des actions à l’échelle internationale sont nécessaires, qui peuvent être coordonnées par l’OMS. A notre niveau, on peut limiter leur dissémination à l’hôpital et en communauté, par des mesures de surveillance et d’hygiène (hôpital / ville), qui sont déjà prises en France. Il faut par ailleurs un usage plus raisonné des antibiotiques : bonne dose, bonne durée de traitement, bonne combinaison de prescription. Et cette attention doit être portée aussi bien chez l’homme que chez l’animal, pour limiter les réservoirs de résistance.

Chiffres

En 2018, 93 % des antibiotiques ont été dispensés en médecine de ville et 7 % en établissements de santé ; parmi ceux dispensés en ville, 13 % relèvent d’une prescription hospitalière.

Les niveaux de consommation observés en santé humaine en France se situent encore 30% au-dessus de la moyenne européenne (données ECDC).