Les enfants nés prématurément concernent en France 7,4% des naissances. Parmi eux, on estime à 11 000, le nombre d’enfants par an en difficultés scolaires liées à des troubles cognitifs. C’est une étude nommée Epipage 1 datant de 1997 qui a permis de révéler le devenir des ces enfants vulnérables. Le constat est clair : à l’âge de 5 ans, près de 40% des enfants grands prématurés présentent des troubles moteurs, sensoriels ou cognitifs au lieu de 12% des enfants nés à terme.
Comment ces troubles se manifestent-ils ? Il s’agit de dyspraxie (difficulté à programmer un geste et à s’orienter dans l’espace), de troubles déficitaires de l’attention avec ou sans hyperactivité, de la mémoire, des fonctions exécutives (inhibition, planification, attention), du comportement socio-émotionnel ou encore du langage. Des difficultés multiples qu’il convient de dépister le plus tôt possible – parfois durant les premiers mois de vie – pour mettre en place des programmes d’accompagnement.
L’équipe
L’ Unité de Dépistage des Troubles des Apprentissages comprend 6 professionnels : Patricia Dworzak, pédiatre et responsable de l’unité, Sabrina Ahade, psychologue du développement, Caroline Delloye, orthophoniste du langage, Alexandre Deloge, ergothérapeute, Solenne Ilhe, psychomotricienne et Anne Mirassou, orthophoniste de la cognition mathématique.
Suivi médical
Réseau Pédiatrique du Sud et Ouest Francilien
Le RPSOF, premier réseau d’Ile-de-France créé il y a 12 ans, dont l’UDTA fait partie, rassemble les professionnels pour le suivi des enfants nés vulnérables. Un médecin pilote accompagne l’enfant jusqu’à ses 7 ans (3 visites la 1ère année, 2 visites la 2ème année et 1 visite/an à partir de 3 ans).
Rencontre.Patricia Dworzak.
Pédiatre, responsable de l’Unité de Dépistage des Troubles des Apprentissages au CH Rives de Seine.
Comment s’articule la mission de l’UDTA ?
Nous recevons en priorité les enfants nés prématurément, âgés de 3 à 9 ans (CM1) et leur famille. Nous réalisons une évaluation pluridisciplinaire, puis élaborons une coordination avec les parents, les professionnels libéraux et l’école. Nous pouvons aussi accompagner l’apprentissage de l’outil informatique dans le cadre du suivi du réseau. Nous avons pour projet en 2018 de mettre en place un dispositif d’accompagnement précoce en orthophonie pour les enfants à partir de 6 mois d’âge corrigé comprenant 10 à 20 séances jusqu’aux 2 ans de l’enfant afin de favoriser l’émergence du langage.
Quels types de difficultés peuvent rencontrer les enfants nés prématurément ?
La prématurité peut atteindre l’efficience intellectuelle globale. La majorité des enfants a un QI supérieur à 85 mais l’écart entre un grand prématuré et un enfant né à terme varie de 10 à 15 points. Bien évidemment les risques augmentent à mesure que l’âge gestationnel diminue. L’enfant prématuré peut manifester des troubles cognitifs et des difficultés scolaires qui toucheront la lecture, l’orthographe, l’écriture et surtout les mathématiques et le raisonnement. Ces difficultés altèrent le comportement et l’estime de soi et sont souvent à l’origine d’une grande souffrance psychologique. L’idéal est bien sûr la prévention en dépistant le plus tôt possible.
Quelle est la prise en charge ?
La prématurité est un réel facteur de risque de trajectoire développementale atypique. Il convient de mettre en place des programmes d’intervention précoce, dès la première année, pour agir avant l’installation des troubles afin de stimuler tous les processus de plasticité cérébrale. Nous pouvons agir pour limiter le décalage. Il est également primordial de favoriser la relation parents/enfants souvent fragilisée par cette naissance arrivée trop tôt.
Rencontre. Solenne Ilhe. Psychomotricienne.
À quels stades prenez-vous en charge les enfants prématurés ?
La première étape se situe dès la naissance. Notre mission est en premier lieu, une mission de prévention et d’accompagnement. Il s’agit d’assurer à l’enfant un confort qui le rapproche au maximum des conditions de vie intra-utérine et qui respecte les différentes immaturités liées à la prématurité (motrice, auditive, visuelle, tactile…). À la sortie du service de néonatalogie, nous pouvons suivre l’enfant en libéral en fonction de ses besoins. Il est à noter que l’Agence Régionale de Santé finance le réseau pédiatrique du Sud et Ouest Francilien ce qui permet une prise en charge de 10 séances de psychomotricité pour les enfants le nécessitant. Cette prise en charge s’articule autour de la guidance parentale, l’accompagnement psychomoteur tourné vers l’éveil et le tonus musculaire, l’évolution motrice du bébé (rampé, 4 pattes, position assise, debout puis la marche) et la motricité fine. Cet accompagnement peut se poursuivre à l’entrée en maternelle et se prolonge en fonction des besoins.
Quelles sont les difficultés rencontrées d’un enfant prématuré par rapport à celles d’un enfant né à terme ?
La première concerne le lien entre l’enfant et ses parents. Ces derniers ont vécu un traumatisme et nous devons prendre en compte l’angoisse générée par cette naissance particulière. La seconde implique la « neuro-motricité ». En effet, l’enfant prématuré peut présenter un retard dans les acquisitions motrices ou des difficultés au niveau du comportement et à plus long terme, un trouble des apprentissages qui peuvent conduire à des difficultés scolaires ou des troubles du développement. Par exemple lorsque l’enfant apprend l’écriture, nous insistons sur la posture, le tonus, le geste, le repérage spatio-temporel, la latéralisation de l’enfant mais aussi la dimension psycho-affective que sont la confiance en soi et le lâcher prise.
Quel est le principal enjeu lié à la prématurité ?
Il demeure indéniablement dans la prise en charge précoce des difficultés et le travail pluridisciplinaire autour de celles-ci (collaboration importante avec les médecins, orthophonistes, kinésithérapeutes, psychologues…). Il faut savoir que l’on peut corriger davantage si les troubles sont décelés dès le plus jeune âge.