La vengeance du loup, votre dernier livre publié aux éditions Grasset, évoque le destin d’un jeune homme de 12 ans, timide, introverti, et qui rêve de devenir Président de la République. Un roman qui prône un message, celui de croire en ses rêves. En quoi a-t-il une part d’autobiographie ?
Je n’ai jamais souhaité devenir Président de la République mais j’ai rêvé à 12 ans, d’être Bonaparte, ce qui n’était pas rien non plus ! Donc je comprends ce que peut vivre un petit garçon comme moi, très timide, sauvage, sans amis et comment ce qui est vécu par lui comme un handicap, se transforme en ressort majeur pour avancer dans la vie. Je pense que c’est ce qu’il m’est arrivé. Je suis allé jusqu’au bout de mes rêves. Dans mon premier livre, Les enfants de l’aube, je raconte la leucémie qui m’a frappé lorsque j’avais 12 ans. Cette histoire a été fondatrice pour moi. Et quand on a le sentiment d’être un survivant, on est beaucoup dans l’urgence et dans le « faire ». Pour La vengeance du loup, la mère du héros meurt, et c’est la seule personne qui le raccroche au monde. Là, démarre l’intrigue.
Votre livre permet également de voyager, de Paris à Aix-en-Provence en passant par Alger et la Bretagne… Etes-vous un passionné de voyages ?
Oui, j’ai toujours voyagé comme un fou. Je reviens du Pérou, j’étais auparavant en Haïti puis en Guadeloupe et en Tunisie. J’ai besoin de bouger. Je reste un journaliste jusqu’au bout des ongles même si j’exerce ce métier beaucoup moins qu’avant. J’aime comparer la situation des autres à la nôtre, cela permet de relativiser nos maux. Le voyage a beaucoup d’importance, il m’a fait grandir. Il s’exprime également à travers les livres que j’ai pu lire, qui ont été de véritables passeports pour l’évasion.
Vous avez écrit plus de 60 livres, dont votre premier roman, Les enfants de l’aube, à l’âge de 17 ans. Quelle place tient l’écriture dans votre vie ?
Une place capitale parce que j’ai commencé comme écrivain. D’abord petit en écrivant des poèmes. Et d’ailleurs lorsque je participe à des concerts-lectures où je suis accompagné d’un musicien, il m’arrive, au milieu des poèmes de Verlaine ou de Ronsard, d’en glisser un de mon cru lorsque j’avais 15 ans. À 17 ans, arrive l’écriture de mon premier livre : je suis à Strasbourg dans une petite chambre de bonne, j’ai eu mon bac. La vie est dure parce que je suis toujours seul, timide et il neige abondamment cet hiver-là. J’écris depuis toujours, c’est mon oxygène, j’ai besoin de cela. Souvent entre minuit et 4h du matin. J’ai besoin de temps et la nuit me le permet.
Vous avez présenté le JT pendant plus de 25 ans, quels souvenirs en gardez-vous ?
Je suis devenu journaliste un peu par hasard parce que je voulais être écrivain et pour ce faire, j’avais remarqué qu’il y avait beaucoup de diplomates écrivains. Et c’est cocasse puisqu’aujourd’hui dans la famille, c’est mon frère qui l’est (rires). J’avais fait des études – Sciences Po, Droit, Langues O’ – qui devaient me conduire à présenter le concours du quai d’Orsay. Et alors que je le préparais, j’ai entendu l’annonce d’un concours sur France Inter qui s’appelait « Envoyé Spécial ». Je me suis porté candidat et je l’ai gagné. Sans cette annonce, je ne serais sans doute jamais devenu journaliste. Je suis infiniment reconnaissant à mon métier de m’avoir permis de rencontrer tous ces personnages, anonymes ou célèbres. Je trouve qu’il y a trop d’interviews lisses qui ne laissent aucune trace. Il faut être un peu orgueilleux, allier une forme de politesse et d’impertinence. Cela m’a valu quelques ennuis et m’a donné beaucoup de plaisir.
Comment gère-t-on sa vie en sortant d’un média aussi puissant ?
Pendant les quelques mois qui ont suivi, ce n’était pas si facile, je le reconnais. À 20h, je savais quelle heure il était quel que soit l’endroit où j’étais dans le monde sans avoir besoin de ma montre et j’avais une poussée d’adrénaline naturelle. Je me souviens, à l’occasion des élections américaines au terme desquelles Obama a été choisi, je n’ai pas pu m’empêcher d’aller là-bas. Quand vous l’avez dans le sang, c’est à vie. Je me suis ensuite calmé. J’ai décidé naturellement de ne plus regarder le journal parce que je ne voulais pas être dans la comparaison, la nostalgie ou la rancœur. C’est une façon de mieux tourner la page. Aujourd’hui, j’ai ouvert un volet plus artistique de ma vie : je fais des mises en scène d’opéras, des adaptations de pièces, je joue au théâtre… Cela me plaît beaucoup.
Entre les métiers de journaliste, d’écrivain, de metteur en scène d’opéra et de comédien, lequel choisissez-vous ?
Je ne choisis pas, je prends tout ! Un jour on m’a proposé de monter sur scène, je n’avais jamais fait cela ! Et il se trouve que la pièce a bien marché. J’ai eu, depuis, d’autres propositions, notamment l’adaptation d’un concept québécois qui s’est appelé « Patrick et ses fantômes », que j’ai monté l’année dernière au Casino de Paris et c’était inattendu. J’aime quand la vie offre des opportunités non réclamées.
Pourquoi avez-vous décidé de vivre à Neuilly ?
J’habitais auparavant dans le XVIIème. Je suis venu à Neuilly il y a 40 ans pour la verdure et le calme. J’ai vécu toute ma vie dans une forme de fracas du monde, de bouillonnement et Neuilly m’allait bien.
Quelles sont vos habitudes ?
Je cours tous les matins dans les rues de Neuilly qui ont l’avantage de bénéficier de beaucoup d’espaces verts. Je vais sur l’Ile de la Jatte, un lieu qui a beaucoup inspiré les impressionnistes. C’est mon rituel quotidien. Il peut faire froid, une pluie battante, j’y vais quand même, je m’impose cela. Je me suis produit au Théâtre des Sablons avec Jean-Philippe Collard, c’est un très bel endroit. Sur le plan culturel, Neuilly se développe d’une manière très intéressante. Je déjeune parfois au Petit Poucet et regarde des films au cinéma Le Village mais le reste du temps, je suis souvent en dehors de Neuilly. Je vis ici comme si j’étais à la campagne, j’aime d’ailleurs cette idée.
Vous voguez de livres en spectacles, de télévision en radio, quel sera votre prochain projet ?
Je suis en train d’écrire la suite de La vengeance du loupqui me prend beaucoup de temps. C’est un peu similaire à ce que j’ai fait il y a une vingtaine d’années pour Un héros de passagesuivi de L’irrésolu, qui m’a valu le prix Interallié. Là aussi, on était dans la même filiation. Dans 80% de mes livres, je connais déjà la fin mais certains personnages m’y ont emmené. Pour ce dernier, j’ai également la fin en tête mais je me réserve encore la possibilité d’évoluer…