Avant de
Avec Le Crépuscule des Fauves, les lecteurs poursuivent les aventures de ces hackers lanceurs d’alerte qui traquent les puissants fauves et leurs propagandes. Est-ce le mal de notre siècle ?
Non, c’est un mal qui existait déjà au XXème siècle. L’écrivain Éric Vuillard le raconte très bien : jamais Hitler ne se serait installé au pouvoir en Allemagne si les industriels allemands ne l’avaient pas financé. Alors que la Pologne et la Hongrie sont tombées dans les mains de l’extrême droite, l’Angleterre s’est séparée de l’Europe suite à une vaste opération de propagande, la régression globale des démocraties dans le monde… Le mal se reproduit au début de ce XXIème siècle. Il y a un chiffre pour nous réveiller : seule 25% de la population mondiale vit en liberté aujourd’hui.
Vous habitez à New-York. Le lien entre la propagande évoquée dans votre livre et les quatre années de mandat de Donald Trump parait étroit. La confiance est-elle rompue entre les américains et le pouvoir ?
C’est plus subtil et complexe que cela. La confiance ce n’est pas avec le pouvoir qu’elle est rompue mais avec les sources d’informations. Ce qui est préoccupant, ce sont les moyens dépensés par les fauves dans la désinformation des peuples. Ils sont cent fois supérieurs aux moyens que nous dépensons pour la véritable information.
Vos héros, vous les appelez également des résistants. Un terme qui rappelle votre roman Les enfants de la liberté et votre histoire familiale avec votre père Raymond, résistant. Pensez-vous que nous soyons entrés en guerre contre “les fauves” et si oui, disposons- nous vraiment de moyens pour les combattre ?
Oui, et révéler leurs agissements en est un. Car il est une force que craignent tous les pouvoirs, la prise de conscience de la population. Quand Facebook
s’est vue rattrapée par le scandale de Cambridge Analytica, la mise en lumière de leurs agissements a quand même créé une crise de confiance chez un grand nombre d’utilisateurs. Ils ne sont pas aussi intouchables que cela.
Votre roman est très engagé. Pensez- vous que l’écrivain ait un rôle à jouer pour éveiller les consciences ?
Le roman, je crois, joue ce rôle depuis que la littérature existe. L’empathie
que l’on ressent avec les personnages, donne une humanité aux faits. Les personnages de roman nous relient aux mondes, y compris à ceux qui nous sont étrangers. Qui peut lire Les Raisins de la colère sans sentir gronder en lui un sentiment de révolte, quelle conscience ne s’ouvrirait pas en lisant Les Misérables, qui n’a pas envie d’aimer et d’être aimé après avoir lu Gary ?
Vous avez étudié à Neuilly au lycée Saint-James. Quel souvenir en gardez- vous ?
J’arrivais de Beaulieu sur mer, où j’avais grandi. À 10 ans, le ciel bleu azur était devenu gris et le béton avait remplacé les citronniers. Le changement des mentalités m’apparaissait tout aussi brutal car mon entrée en sixième correspondait au moment de l’ouverture des écoles à la mixité. Mais au même âge, les garçons sont bien moins matures que les filles et les professeurs de l’époque redoutaient cette intrusion des garçons dans un lycée de filles. Le premier trimestre passé, les liens se sont créés, les peurs se sont dissipées et l’horizon s’est éclairci. J’ai alors passé des moments fabuleux. Mes professeurs m’ont donné le goût de l’histoire, ils m’ont fait découvrir la force de la narration. Après, je suis devenu directeur de la Croix-Rouge de Neuilly. J’ai emménagé dans mon premier studio que j’adorais, place Sainte-Foy. Mon endroit fétiche était le marché de la rue de la Ferme et le “Chistera” pour jouer au flipper. Livio était aussi notre QG. Je me souviens également de Foc Ly, qui à l’époque était rue Paul Chatrousse. Le dimanche, tous les parisiens s’y retrouvaient, c’était très joyeux !
Chacun de vos romans a reçu un immense succès à travers le monde. Est- ce que cela influence votre écriture ?
En fait non. Un chanteur a une conscience immédiate de la proportion de son public. Lors de concerts, c’est palpable. Mais l’écrivain, qu’il ait 10 000 ou 30 millions de lecteurs, est toujours seul face à sa copie. Et finalement, il n’y a pas que la destination qui compte mais le voyage au cours duquel on s’y rend et donc les émotions vécues pendant l’écriture. Ce qui change réellement, c’est le moment où l’on est lu car tout d’un coup ce travail s’inscrit dans le partage.